Du jardin d’un peintre, du jardin d’un photographe……….
Le génie d’André Le Nôtre s’exprime parfaitement dans
l’agencement des lignes droites, des formes géométriques et dans l’harmonie
régulière des perspectives. Mais il est finalement plus un architecte
talentueux, utilisant les matériaux naturels, qu’un jardinier au sens propre.
Ses jardins à la française imprègnent profondément notre culture et ce jusque
dans nos jardins de lotissements et de banlieue. Tout comme Monsieur Jourdain
faisait de la prose sans le savoir, notre bon peuple est inspiré par Le
Nôtre ! Cela étant, il s’agit le plus souvent d’agencements simplistes,
sans beaucoup d’âme et sans charme particulier, avec ses haies à angle droit,
son gazon rectangulaire et ses bordures blanches, que quasiment aucun oiseau ne
visitera. Il est vrai qu’avec un petit terrain, un agencement poétique s’avère
très difficile à réaliser. Mais à l’opposé de ces jardins
« moquettes », certains s’en
sortent fort bien, en oubliant au passage la ligne systématiquement
droite !
Quand je me rends au château de Chantilly, j’admire au
passage le merveilleux travail de Le Nôtre mais je ne m’y arrête pas car je
préfère me diriger vers le jardin anglo-chinois et le Hameau qui inspira notre
reine Marie-Antoinette pour sa ferme du Petit Trianon, endroit que je préfère
aussi au château de Versailles. Dans la verdure, divers chemins tortueux
conduisent au Hameau, fort bucolique, où
l’on peut déguster, au moulin, la meilleure crème Chantilly qui existe.
Jean-Jacques Rousseau ne déclarait-il pas, dans la Nouvelle Héloïse, qu’il
préférait les lignes courbes aux lignes droites qui raccourcissent la
promenade !
Dans tout cela, où se situe donc le jardin d’un
peintre ? Il est évidemment « ailleurs » car la préoccupation
d’un peintre, c’est la lumière, la
composition, l’interprétation. Avec son pinceau, il crée ex-nihilo, sa vision
des choses telles qu’il les ressent et les perçoit, et il en va de même avec
son jardin ! Quand Claude Monet pense son jardin, il le regarde et le compose
comme une création picturale. La symbiose est totale entre le peintre et le
jardinier. Le Clos Normand ne répond ainsi à aucun classement « à la
française » ou « anglais » car c’est un ensemble qui se regarde
comme une succession de tableaux, en jouant avec les lumières, dans une
symphonie de couleurs, ensemble toutefois ordonné de part et d’autre d’une
belle allée centrale de capucines. Le jardin d’eau, de l’autre côté de la route
(autrefois la voie ferrée et Clémenceau, l’ami fidèle, déclarait avec humour que chez Monet, il y
avait même le chemin de fer !!), est d’une toute autre ampleur, ensemble
aquatique où la nature foisonne, où se jouent
les reflets, les différentes essences d’arbres, où s’insèrent
judicieusement une multitude de fleurs variées, dont les nénuphars. D’un aspect naturel, le
jardin d’eau est pourtant une création totalement artificielle, fruit d’un
travail de titan qui a nécessité de détourner un bras de l’Epte! C’est
l’œuvre majeure de Monet avec ses Nymphéas. On ne se lasse pas de cette visite
où plane toujours l’âme du peintre, quand on sait faire abstraction des visiteurs
nombreux.
Monet a inspiré d’autres peintres travaillant dans le même
état d’esprit. Il en va ainsi, de nos jours, des jardins du peintre Van Beek
que j’ai eu le plaisir de rencontrer, une fin d’après midi maussade d’arrière
saison, où il n’y avait quasiment aucun
chien dehors ! Il est dans le même état d’esprit que Monet, en créant une
œuvre notable fort harmonieuse, qu’il faut absolument visiter à Saint Paul dans
l’Oise. En un seul ensemble, son jardin
fait la synthèse de tous les éléments (aquatiques et terrestres), en un
cheminement particulièrement délicat où domine la ligne courbe chère à Jean-Jacques
Rousseau ! Mais il faut aussi
visiter son atelier de peintre ! Vous devinerez ainsi que j’apprécie le
style de ses œuvres très réputées.
Par rapport au jardin d’un peintre, que peut-on dire du
jardin d’un photographe ? Finalement, peu de choses, comparativement aux
créations exceptionnelles ci-dessus. Mais
c’est dans l’esprit que cela se distingue, au même titre que les deux arts
picturaux se différencient. Un photographe ne peut pas traduire et interpréter
à sa façon ce qu’il voit car l’appareil photo restitue la réalité brute !
Par contre, pour construire ses photos, le photographe doit rechercher le
meilleur point de vue associant divers éléments tels qu’ils existent, en
attendant la meilleure lumière, en effectuant les bons réglages techniques,
pour réaliser une composition harmonieuse. De ce fait, il n’élabore pas son
jardin comme un tableau vivant mais laisse la nature s’exprimer. Toutefois, il
ne s’agit pas de favoriser un véritable chaos végétal mais d’ordonner,
d’arbitrer, en y mettant sa touche personnelle. Par endroits, un tel jardin
présente un aspect fort structuré tandis
qu’à d’autres, tout semble foisonner. Dans tous les cas, il est fleuri
avec une abondance raisonnable. Il accueille aussi bien des fleurs cultivées
que les fleurs sauvages, implantées suite à prélèvement dans la nature ou
venues d’elles mêmes se réfugier là, du fait de leur disparition progressives
dans les champs, à l’instar des bleuets. Par voie de conséquence, il constitue
l’habitat naturel de nombreux oiseaux (que l’ont voit peu à la belle saison
tout en les entendant mais qui se bousculent aux mangeoires l’hiver !)
dont les derniers arrivés, une famille de Rougequeue noirs, espèce menacée,
d’insectes ou d’autres petits animaux
inoffensifs. Dans ce cadre, le photographe n’a plus qu’à chercher la meilleure
composition possible (motifs, fleurs, fond d’image, oiseaux etc…) en se déplaçant,
souvent d’ailleurs à « quatre pattes », ce que ne fera jamais un
peintre ! Un tel jardin ne se visite pas car il n’est pas spectaculaire
(ce n’est pas une composition picturale) mais c’est évidemment un lieu de repos
et de réflexion, quand on en a le loisir car ordonner et arbitrer, sans que
cela soit le fouillis, cela donne beaucoup de travail !
Les photos ci-jointes ont été réalisées exclusivement dans
mon jardin, aussi bien avec un reflex Canon 60D qu’un reflex Sigma SD14 et divers
objectifs (macro Canon, 50mm Canon+ bagues allonges, 55-250 Canon, 18-200
Sigma SA/SD avec ou sans bonnette, Takumar M42 avec ou sans bague allonge
etc…..). Certaines fleurs se retrouvent
en plusieurs clichés (comme les orchidées sauvages) car les lumières sont
changeantes et les plantes évoluent. Cette galerie de 385 photos inédites, sauf exception, fait échos à divers autres articles (Giverny, les printemps, les oiseaux etc...).