dimanche 19 juin 2016

Du jardin d’un peintre, du jardin d’un photographe……….


Le génie d’André Le Nôtre s’exprime parfaitement dans l’agencement des lignes droites, des formes géométriques et dans l’harmonie régulière des perspectives. Mais il est finalement plus un architecte talentueux, utilisant les matériaux naturels, qu’un jardinier au sens propre. Ses jardins à la française imprègnent profondément notre culture et ce jusque dans nos jardins de lotissements et de banlieue. Tout comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, notre bon peuple est inspiré par Le Nôtre ! Cela étant, il s’agit le plus souvent d’agencements simplistes, sans beaucoup d’âme et sans charme particulier, avec ses haies à angle droit, son gazon rectangulaire et ses bordures blanches, que quasiment aucun oiseau ne visitera. Il est vrai qu’avec un petit terrain, un agencement poétique s’avère très difficile à réaliser. Mais à l’opposé de ces jardins « moquettes »,  certains s’en sortent fort bien, en oubliant au passage la ligne systématiquement droite !

Quand je me rends au château de Chantilly, j’admire au passage le merveilleux travail de Le Nôtre mais je ne m’y arrête pas car je préfère me diriger vers le jardin anglo-chinois et le Hameau qui inspira notre reine Marie-Antoinette pour sa ferme du Petit Trianon, endroit que je préfère aussi au château de Versailles. Dans la verdure, divers chemins tortueux conduisent au Hameau, fort bucolique,  où l’on peut déguster, au moulin, la meilleure crème Chantilly qui existe. Jean-Jacques Rousseau ne déclarait-il pas, dans la Nouvelle Héloïse, qu’il préférait les lignes courbes aux lignes droites qui raccourcissent la promenade !

Dans tout cela, où se situe donc le jardin d’un peintre ? Il est évidemment « ailleurs » car la préoccupation d’un peintre,  c’est la lumière, la composition, l’interprétation. Avec son pinceau, il crée ex-nihilo, sa vision des choses telles qu’il les ressent et les perçoit, et il en va de même avec son jardin ! Quand Claude Monet pense son jardin, il le regarde et le compose comme une création picturale. La symbiose est totale entre le peintre et le jardinier. Le Clos Normand ne répond ainsi à aucun classement « à la française » ou « anglais » car c’est un ensemble qui se regarde comme une succession de tableaux, en jouant avec les lumières, dans une symphonie de couleurs, ensemble toutefois ordonné de part et d’autre d’une belle allée centrale de capucines. Le jardin d’eau, de l’autre côté de la route (autrefois la voie ferrée et Clémenceau, l’ami fidèle,  déclarait avec humour que chez Monet, il y avait même le chemin de fer !!), est d’une toute autre ampleur, ensemble aquatique où la nature foisonne, où se jouent  les reflets, les différentes essences d’arbres, où s’insèrent judicieusement une multitude de fleurs variées,  dont les nénuphars. D’un aspect naturel, le jardin d’eau est pourtant une création totalement artificielle, fruit d’un travail de titan qui a nécessité de détourner un bras de l’Epte! C’est l’œuvre majeure de Monet avec ses Nymphéas. On ne se lasse pas de cette visite où plane toujours l’âme du peintre,  quand on sait faire abstraction des visiteurs nombreux.

Monet a inspiré d’autres peintres travaillant dans le même état d’esprit. Il en va ainsi, de nos jours, des jardins du peintre Van Beek que j’ai eu le plaisir de rencontrer, une fin d’après midi maussade d’arrière saison,  où il n’y avait quasiment aucun chien dehors ! Il est dans le même état d’esprit que Monet, en créant une œuvre notable fort harmonieuse, qu’il faut absolument visiter à Saint Paul dans l’Oise.  En un seul ensemble, son jardin fait la synthèse de tous les éléments (aquatiques et terrestres), en un cheminement particulièrement délicat où domine la ligne courbe chère à Jean-Jacques Rousseau !  Mais il faut aussi visiter son atelier de peintre ! Vous devinerez ainsi que j’apprécie le style de ses œuvres très réputées.

Par rapport au jardin d’un peintre, que peut-on dire du jardin d’un photographe ? Finalement, peu de choses, comparativement aux créations exceptionnelles ci-dessus.  Mais c’est dans l’esprit que cela se distingue, au même titre que les deux arts picturaux se différencient. Un photographe ne peut pas traduire et interpréter à sa façon ce qu’il voit car l’appareil photo restitue la réalité brute ! Par contre, pour construire ses photos, le photographe doit rechercher le meilleur point de vue associant divers éléments tels qu’ils existent, en attendant la meilleure lumière, en effectuant les bons réglages techniques, pour réaliser une composition harmonieuse. De ce fait, il n’élabore pas son jardin comme un tableau vivant mais laisse la nature s’exprimer. Toutefois, il ne s’agit pas de favoriser un véritable chaos végétal mais d’ordonner, d’arbitrer, en y mettant sa touche personnelle. Par endroits, un tel jardin présente un aspect fort structuré tandis  qu’à d’autres, tout semble foisonner. Dans tous les cas, il est fleuri avec une abondance raisonnable. Il accueille aussi bien des fleurs cultivées que les fleurs sauvages, implantées suite à prélèvement dans la nature ou venues d’elles mêmes se réfugier là, du fait de leur disparition progressives dans les champs, à l’instar des bleuets. Par voie de conséquence, il constitue l’habitat naturel de nombreux oiseaux (que l’ont voit peu à la belle saison tout en les entendant mais qui se bousculent aux mangeoires l’hiver !) dont les derniers arrivés, une famille de Rougequeue noirs, espèce menacée, d’insectes  ou d’autres petits animaux inoffensifs. Dans ce cadre, le photographe n’a plus qu’à chercher la meilleure composition possible (motifs, fleurs, fond d’image, oiseaux etc…) en se déplaçant, souvent d’ailleurs à « quatre pattes », ce que ne fera jamais un peintre ! Un tel jardin ne se visite pas car il n’est pas spectaculaire (ce n’est pas une composition picturale) mais c’est évidemment un lieu de repos et de réflexion, quand on en a le loisir car ordonner et arbitrer, sans que cela soit le fouillis, cela donne beaucoup de travail !



Les photos ci-jointes ont été réalisées exclusivement dans mon jardin, aussi bien avec un reflex Canon 60D qu’un reflex Sigma SD14 et divers objectifs (macro Canon, 50mm Canon+ bagues allonges, 55-250 Canon, 18-200 Sigma SA/SD avec ou sans bonnette, Takumar M42 avec ou sans bague allonge etc…..). Certaines  fleurs se retrouvent en plusieurs clichés (comme les orchidées sauvages) car les lumières sont changeantes et les plantes évoluent. Cette galerie de 385 photos inédites, sauf exception, fait échos à divers autres articles (Giverny, les printemps, les oiseaux etc...).