Le peintre et le photographe.
Le peintre d’extérieur choisit son motif en fonction de
l’harmonie d’ensemble et de la lumière. Il pose alors son chevalet pour
attaquer son intense travail. Il délimite les éléments à retenir, choisit ceux
qui répondent à son attente et peut décider d’en élimer certains dans sa
composition. Il traduit ensuite, à sa façon et avec son savoir faire d’artiste,
ce qu’il ressent, ce qui l’émeut, ce qu’il veut exprimer. Et il doit pas à pas composer
le tableau, l’élaborer, l’anticiper, sans cesse le corriger, touche par touche,
avec sa technique propre, son coup de patte, la restitution visuelle qu’il
souhaite librement, avec pour défi une lumière qui change car le labeur s’étend
sur un long laps de temps. Les variations de lumière, au cours de la journée et
des saisons, modifient fortement l’impression visuelle des choses. Le peintre
peut aimer en constituer des séries d’une même scène, à l’instar de Monet avec
ses meules de foin, sa cathédrale de Rouen….
Le photographe d’extérieur (photo « calme », pas de chasse photo animalière) choisit et
délimite de la même façon son motif. Mais tout le travail est effectué en
quelques secondes par la mécanique de l’appareil photo, préalablement
correctement réglé. Tout le travail de rendu est effectué à l’identique (ou
presque avec les nuances liées au matériel), par le couple objectif et capteur
de l’appareil numérique dont la qualité est essentielle. L’image restituée est
totalement artificielle puisque reconstituée à partir des photosites du capteur,
transformés électriquement en image numérique, par la grâce d’outils logiciels puissants incorporés.
Ce caractère artificiel est surtout vrai pour les capteurs à matrice de Bayer
(avec interpolation de certaines couleurs, cas général), un peu moins avec le
capteur Foveon. Hélas, les capteurs numériques ont aussi une dynamique faible
(difficulté à restituer simultanément les ombres fortes et les zones très
éclairées), beaucoup moins que l’œil humain. Par conséquent, le rôle du
photographe est très faible dans la réalisation sur le terrain, en dehors du
coup d’œil, du cadrage, du choix de l’arrière plan (couleur, lumière, flou
etc…) qui sont la base cependant de ses qualités artistiques. Il doit ensuite
« développer » ses images sur ordinateur, avec un programme de
dématriçage, à partir de fichiers bruts (la plupart des photographes travaillant
avec des fichiers bruts ou RAW), afin de corriger les erreurs de l’appareil et
restituer, le plus fidèlement possible, ce qu’il a vu (sauf pour les
Smartphones le plus souvent dépourvus de RAW mais qui nécessitent tout de même
quelques corrections). Certains en profitent pour trafiquer, améliorer à
outrance, forcer la netteté et les couleurs, supprimer une partie des éléments,
ce que je réprouve et conduit d’ailleurs visuellement à une image peu réaliste.
Corriger un cadrage sans exagérer, supprimer
un petit élément impossible à éviter et fort disgracieux (fil électrique par
exemple), tout ceci est acceptable mais seulement cela. Bien évidemment, dans
le rendu d’image (couleur plus ou moins chaudes ou froides), il y a
obligatoirement un peu de subjectivité, soutenue par une mémoire imparfaite.
Sinon c’est une escroquerie. Par contre, rien n’interdit de donner un effet
particulier à la photo, dans un but artistique. Cela se voit d’ailleurs tout de
suite ; c’est donc honnête. C’est ainsi qu’une photo techniquement ratée
mais au beau rendu et au cadrage agréable (le photographe peut bouger ou
l’appareil se tromper !) peut devenir une agréable impression visuelle.
Certains photographes vous diront également que si vous ne restituez pas un
effet de couleur, de lumière de flou etc…, par exemple sur une photo de fleur, votre
photo est sans intérêt ; oui et non ! Certes composer une belle image,
très poétique, est une excellente chose
mais dire qu’à défaut c’est trop figuratif et donc banal sinon laid, n’a aucun
sens. En effet, en tant que telle, la moindre petite fleur est en soi une œuvre
d’art, qu’il convient de savoir mettre en valeur, par un bel angle de prise de vue et une belle
lumière.
Comme on le voit, le photographe n’a pas la liberté
d’exécution sensible visuelle d’un peintre car il est tributaire de divers outils
complexes et la photo s’élabore selon un autre mode temporel très bref et
séquentiel. Mais la recherche picturale s’avère fort proche. Par contre, le
photographe aura plus de mal, par essence, à définir un style, même si certains s’y
emploient, mais est-ce nécessaire ?....sauf pour vendre. L’intérêt de ne
pas devoir faire commerce, c’est justement de tout essayer, nature, paysages,
urbanisme et patrimoine, ambiance……………….
In fine, je pose une question sans réponse mais
passionnante : comment aurait réagi Monet face à la technique
photographique actuelle ? Photographe et peintre peuvent certes et de la
même façon composer un jardin qui soit un tableau mais au-delà de cela…….. ?
Rejet, peut-être ? Curiosité, sans doute, ….. ? Utilisation pour
capter des lumières changeantes fugaces et comme aide à la composition,
pourquoi pas…….. ? Bien difficile à dire alors que pour Mozart,on peut
imaginer, avec sa grande fantaisie, qu’il
aurait adoré les instruments et outils modernes, mais sans produire avec, la triste débâcle musicale dont on est quotidiennement
abreuvé ! Mais ceci est une autre histoire !
« Celui à qui la nature commence à dévoiler ses secrets
éprouve un désir irrésistible de connaître son plus digne interprète,
l’art ». Johann Wolfgang von
Goethe.