Les années de feu!
Il y a longtemps que notre pays n'avait pas connu des chocs
successifs d'une telle intensité. Outre la période de la dernière guerre
mondiale et avant cela, de la grande guerre, il faut remonter, à la terrible
année 1870 et à la Révolution française.
Il y eut d'abord ce cancer de langueur triste, de sentiment de déclassement
et de doutes, en 2018, avec la crise des gilets jaunes. Cette implosion de la
société française était prévisible depuis longtemps, sans que l'on sache sous
quelle forme et quel catalyseur provoquerait la réaction. En effet, depuis de
si nombreuses années, le paraître primait sur l'être, l'individualisme sur le
collectif, la compétition et l'esprit de lucre matériel érigés en véritable
dogme religieux. Il s'ensuivit logiquement, l'élimination des plus faibles,
puis des moins forts, avec l'instauration, de la part d’une élite aisée, d'une
cascade de mépris qui n’avait rien à envier à l’attitude de certains
aristocrates de l’ancien régime!! Quand on pontifie, tel un dieu, en soignant
son style, insigne de sa puissance et de ses qualités indubitables, alors qu'un
peuple de fantômes épuisés, de toutes couleurs et souvent féminin, hante les
trains de 5 heures des lointaines banlieues, pour venir astiquer les commodités
des élégants, le pire est à craindre. Cette pauvreté rampante et cet isolement
social affectif, conduisirent à ces rassemblements des ronds points où, à
défaut de température clémente, on retrouvait cette tendresse et cette
solidarité collectives qui avaient été balayées. Le jeune Président issu de la
minorité élitiste, bien éloigné des contingences de la vie quotidienne, ne vit
rien venir et contribua même à cette situation, par une succession de
maladresses humiliantes. .
Malheureusement, tout comme lors des autres soubresauts spasmodiques
dont notre pays a le secret, lorsque la société évolue, des gens violents,
doctrinaires, têtus, sans nuance ni profondeur de réflexion, ont émergé,
conduisant le pays vers le chaos. La fermeture des commerces, suite aux émeutes,
ébranla très fortement de nombreuses entreprises, dont beaucoup de petites
structures, engendrant un chômage notable dont furent victimes, les catégories
de population déjà victimes de l’état de fait décrié. Ce fut le premier choc
économique majeur.
Le pays avait clairement un besoin de réformes profondes car,
depuis tant d'années, il s'essoufflait, comparativement aux pays d'Europe du
Nord, bien mieux organisés et gérés. Malheureusement, nos infaillibles muscadins
ont mené autoritairement et au pas de charge, une réforme des retraites, parmi
d'autres, a priori hâtive, insuffisamment préparée et en méconnaissance totale
des contingences quotidiennes, telles qu’elles se vivent, à l'extérieur de
leurs salons parisiens. Les affrontements d'idées et d'études, très violents,
ont permis au marketing d'organisations syndicales, figées dans le temps, sinon
fossilisées, de se remettre en selle, au nom d'un service public, hélas réduit
à des statuts d'entreprises et de personnels, bien plus que de service à rendre
aux autres avec abnégation. Ils bloquèrent ainsi le pays, pendant plusieurs
semaines, avant et pendant Noël 2019, achevant de fragiliser gravement le
commerce et l'industrie, avec comme conséquence, un développement du chômage de
travailleurs modestes sans statut protecteur. Le pays a repris son activité en
situation de grande fragilité, en début d'année 2020.
Avant cela, un évènement considérable avait ébranlé le monde
entier, quand au coeur de la capitale, Notre Dame s'est embrasée. Que dire d'un
pays capable de laisser détruire un joyau de plus de 800 ans, quelle que soit
l'origine du, sinistre ! Toute œuvre issue de la création d'artistes et de
maîtres ouvriers est admirable. C'est le souvenir laissé par nos ancêtres,
notamment d'un Moyen-âge plus brillant que le nôtre, de ce point de vue. Le
laisser partir par négligence, nonchalance ou autre, peu importe, porte un
regard très sévère sur notre époque. Au milieu de ce désastre, le miracle des vitraux
épargnés, de l’autel et de la croix intacts, sonnaient comme le symbole de la
recherche d'un nouveau siècle des lumières, au milieu des ténèbres. Un an plus
tard, l’édifice bien que stable, n’est toujours pas sauvé et l’hypothèse d’un
écroulement ne peut pas encore être écartée.
Mais en cette fin 2019, se profilait un ennemi invisible,
attisé par des pratiques alimentaires et commerciales asiatiques (animaux
sauvages) condamnables, le triste Coronavirus « Covid19 ». En cette
période, l’hôpital traverse une crise profonde, suite à la suppression de
nombreux lits et à une gestion des établissements en centres de profits. Les
services d’urgence sont d’ailleurs en grève et certains professeurs ont
« jeté l’éponge » ! La médecine libérale ne va pas bien non
plus, avec un manque inquiétant de médecins de ville et….de campagne ! Le
numérus clausus et le vieillissement des praticiens, ont produit ces effets
catastrophiques. La gestion de cet évènement n’a pas fait l’objet d’une
anticipation clairvoyante. La plupart des pays ont d’ailleurs réagi de la même
façon. Lorsque l’épidémie s’est emballée, l’impression a été donnée d’un navire
cherchant en permanence son cap de façon contradictoire, sinon velléitaire.
Certains savaient-ils, d’autres n’ont-ils pas voulu réagir pour des motifs
politiques ? Il serait bien présomptueux de trancher, en laissant cela à
l’historien, dans pas mal d’années. Mais le fait est que les signaux furent
incohérents, notamment la légèreté de l’organisation des élections municipales
(d’ailleurs inachevées et laissant plus de la moitié des électeurs perplexes…),
quelques jours avant le confinement ! Evitez les déplacements mais allez
voter……… ! Cette décision pourrait signer l’arrêt de mort de la vieille
politique……l’avenir le dira ou pas……..Très rapidement, la situation est devenue
plus que catastrophique, sauvée de justesse pas un personnel de santé
admirable. Mais là encore, l’étalage sur la place publique de contradictions
sur le port du masque, les traitements ainsi que le manque d’anticipation
(stock de masques, organisation hospitalière très inférieure à celle de notre
voisin allemand) car gouverner c’est prévoir, a semé le doute sur la capacité
de nos dirigeants, et plus largement de nos élites, à nous sortir de cette
situation de cataclysme. C’est en effet un cataclysme non seulement sanitaire mais économique et
sociétal. Tout s’est figé, tout s’est écroulé. Il n’y a plus aucun avion ou
presque dans le ciel et toutes les compagnies aériennes s’interrogent sur leur
survie. On peut dupliquer cela dans de nombreux secteurs. Et si l’on peut
encore vivre correctement, en attendant que la pandémie se calme, c’est grâce à
tout ce petit peuple qui se reconnaissait dans la France des ronds
points ! Ce petit peuple besogneux et fantomatique, si souvent ignoré,
sinon méprisé, tient le choc et assure, quel que soit son contrat de travail,
sa qualification, son secteur. Il est là le vrai service public et c’est là que
se trouve l’âme du pays, professionnels de santé (de la femme de ménage au professeur,
bossant avec une incroyable ardeur et tant d’abnégation), personnels assurant
notre sécurité, caissières, éboueurs, techniciens de l’eau et de l’électricité,
personnels du transport et de la logistique etc….(non exhaustif). Le schéma des
valeurs s’est retourné et a retrouvé sa vraie place. Nos élites semblent avoir
recouvré un peu de raison et d’humilité, devant l’ampleur de la catastrophe humaine
qui les laisse démunis et faibles. Le jour d’après, personne ne peut le
définir, car c’est toute la société et toute l’économie qui sont à réinventer.
La machine aura du mal à repartir, face à des faillites en cascade, notamment
dans les PME, le commerce, une inflation difficile à contenir, un chômage de
masse, une baisse des revenus, des changements des modes de consommation.
L’empire américain vacille, vaincu autant par la pandémie que par sa
philosophie individualiste et de compétition sans compassion. L’empire du
milieu se remet tout doucement, mais les frontières se refermant, la
consommation baissant et le besoin de relocalisation ne faisant plus débat, que
lui restera-t-il dans une décennie ? Tels sont les enjeux, risques et défis
majeurs à venir. Nous aurons besoin d’Hommes d’Etat exceptionnels. Notre jeune
président et son gouvernement, dans le concert de nations déboussolées, sauront-t-ils
faire le dur apprentissage de la vie ? Ou verrons-nous apparaître une
nouvelle génération, dotée d’une vision d’un avenir différent, plus respectueux
des êtres et de notre environnement, comme un retour aux sources? Seuls les
historiens, si nous existons encore, pourront le dire !
Comme images d’illustration, je pense à Eugène Boudin, peintre
d’extérieur (une innovation à cette époque), ami de Claude Monet et son
initiateur, surnommé par Corot, le « roi des ciels ». Il nous aurait
brossé et exprimé, dans les nuages, nos inquiétudes et nos espoirs.
" Nager en
plein ciel, arriver aux tendresses des nuages, suspendre des nappes, au fond
bien lointaines dans la brume grise, faire éclater l'azur ". Eugène
Boudin.
En pensant à lui, il m’arrive de capter des images fugaces de
ciels lugubres, majestueux, inquiétants, d’espoir, clichés parfois pris à la
« billebaude », derrière la vitre d’une voiture……..moi qui déteste tant
rouler en voiture ! Je vous les livre comme des brouillons de nature forte,
comme celle qui nous étreint actuellement.