dimanche 12 avril 2020


Les années de feu!

Il y a longtemps que notre pays n'avait pas connu des chocs successifs d'une telle intensité. Outre la période de la dernière guerre mondiale et avant cela, de la grande guerre, il faut remonter, à la terrible année 1870 et à la Révolution française.

Il y eut d'abord ce cancer de langueur triste, de sentiment de déclassement et de doutes, en 2018, avec la crise des gilets jaunes. Cette implosion de la société française était prévisible depuis longtemps, sans que l'on sache sous quelle forme et quel catalyseur provoquerait la réaction. En effet, depuis de si nombreuses années, le paraître primait sur l'être, l'individualisme sur le collectif, la compétition et l'esprit de lucre matériel érigés en véritable dogme religieux. Il s'ensuivit logiquement, l'élimination des plus faibles, puis des moins forts, avec l'instauration, de la part d’une élite aisée, d'une cascade de mépris qui n’avait rien à envier à l’attitude de certains aristocrates de l’ancien régime!! Quand on pontifie, tel un dieu, en soignant son style, insigne de sa puissance et de ses qualités indubitables, alors qu'un peuple de fantômes épuisés, de toutes couleurs et souvent féminin, hante les trains de 5 heures des lointaines banlieues, pour venir astiquer les commodités des élégants, le pire est à craindre. Cette pauvreté rampante et cet isolement social affectif, conduisirent à ces rassemblements des ronds points où, à défaut de température clémente, on retrouvait cette tendresse et cette solidarité collectives qui avaient été balayées. Le jeune Président issu de la minorité élitiste, bien éloigné des contingences de la vie quotidienne, ne vit rien venir et contribua même à cette situation, par une succession de maladresses humiliantes. .  Malheureusement, tout comme lors des autres soubresauts spasmodiques dont notre pays a le secret, lorsque la société évolue, des gens violents, doctrinaires, têtus, sans nuance ni profondeur de réflexion, ont émergé, conduisant le pays vers le chaos. La fermeture des commerces, suite aux émeutes, ébranla très fortement de nombreuses entreprises, dont beaucoup de petites structures, engendrant un chômage notable dont furent victimes, les catégories de population déjà victimes de l’état de fait décrié. Ce fut le premier choc économique majeur.

Le pays avait clairement un besoin de réformes profondes car, depuis tant d'années, il s'essoufflait, comparativement aux pays d'Europe du Nord, bien mieux organisés et gérés. Malheureusement, nos infaillibles muscadins ont mené autoritairement et au pas de charge, une réforme des retraites, parmi d'autres, a priori hâtive, insuffisamment préparée et en méconnaissance totale des contingences quotidiennes, telles qu’elles se vivent, à l'extérieur de leurs salons parisiens. Les affrontements d'idées et d'études, très violents, ont permis au marketing d'organisations syndicales, figées dans le temps, sinon fossilisées, de se remettre en selle, au nom d'un service public, hélas réduit à des statuts d'entreprises et de personnels, bien plus que de service à rendre aux autres avec abnégation. Ils bloquèrent ainsi le pays, pendant plusieurs semaines, avant et pendant Noël 2019, achevant de fragiliser gravement le commerce et l'industrie, avec comme conséquence, un développement du chômage de travailleurs modestes sans statut protecteur. Le pays a repris son activité en situation de grande fragilité, en début d'année 2020.

Avant cela, un évènement considérable avait ébranlé le monde entier, quand au coeur de la capitale, Notre Dame s'est embrasée. Que dire d'un pays capable de laisser détruire un joyau de plus de 800 ans, quelle que soit l'origine du, sinistre ! Toute œuvre issue de la création d'artistes et de maîtres ouvriers est admirable. C'est le souvenir laissé par nos ancêtres, notamment d'un Moyen-âge plus brillant que le nôtre, de ce point de vue. Le laisser partir par négligence, nonchalance ou autre, peu importe, porte un regard très sévère sur notre époque. Au milieu de ce désastre, le miracle des vitraux épargnés, de l’autel et de la croix intacts, sonnaient comme le symbole de la recherche d'un nouveau siècle des lumières, au milieu des ténèbres. Un an plus tard, l’édifice bien que stable, n’est toujours pas sauvé et l’hypothèse d’un écroulement ne peut pas encore être écartée.

Mais en cette fin 2019, se profilait un ennemi invisible, attisé par des pratiques alimentaires et commerciales asiatiques (animaux sauvages) condamnables, le triste Coronavirus « Covid19 ». En cette période, l’hôpital traverse une crise profonde, suite à la suppression de nombreux lits et à une gestion des établissements en centres de profits. Les services d’urgence sont d’ailleurs en grève et certains professeurs ont « jeté l’éponge » ! La médecine libérale ne va pas bien non plus, avec un manque inquiétant de médecins de ville et….de campagne ! Le numérus clausus et le vieillissement des praticiens, ont produit ces effets catastrophiques. La gestion de cet évènement n’a pas fait l’objet d’une anticipation clairvoyante. La plupart des pays ont d’ailleurs réagi de la même façon. Lorsque l’épidémie s’est emballée, l’impression a été donnée d’un navire cherchant en permanence son cap de façon contradictoire, sinon velléitaire. Certains savaient-ils, d’autres n’ont-ils pas voulu réagir pour des motifs politiques ? Il serait bien présomptueux de trancher, en laissant cela à l’historien, dans pas mal d’années. Mais le fait est que les signaux furent incohérents, notamment la légèreté de l’organisation des élections municipales (d’ailleurs inachevées et laissant plus de la moitié des électeurs perplexes…), quelques jours avant le confinement ! Evitez les déplacements mais allez voter……… ! Cette décision pourrait signer l’arrêt de mort de la vieille politique……l’avenir le dira ou pas……..Très rapidement, la situation est devenue plus que catastrophique, sauvée de justesse pas un personnel de santé admirable. Mais là encore, l’étalage sur la place publique de contradictions sur le port du masque, les traitements ainsi que le manque d’anticipation (stock de masques, organisation hospitalière très inférieure à celle de notre voisin allemand) car gouverner c’est prévoir, a semé le doute sur la capacité de nos dirigeants, et plus largement de nos élites, à nous sortir de cette situation de cataclysme. C’est en effet un cataclysme  non seulement sanitaire mais économique et sociétal. Tout s’est figé, tout s’est écroulé. Il n’y a plus aucun avion ou presque dans le ciel et toutes les compagnies aériennes s’interrogent sur leur survie. On peut dupliquer cela dans de nombreux secteurs. Et si l’on peut encore vivre correctement, en attendant que la pandémie se calme, c’est grâce à tout ce petit peuple qui se reconnaissait dans la France des ronds points ! Ce petit peuple besogneux et fantomatique, si souvent ignoré, sinon méprisé, tient le choc et assure, quel que soit son contrat de travail, sa qualification, son secteur. Il est là le vrai service public et c’est là que se trouve l’âme du pays, professionnels de santé (de la femme de ménage au professeur, bossant avec une incroyable ardeur et tant d’abnégation), personnels assurant notre sécurité, caissières, éboueurs, techniciens de l’eau et de l’électricité, personnels du transport et de la logistique etc….(non exhaustif). Le schéma des valeurs s’est retourné et a retrouvé sa vraie place. Nos élites semblent avoir recouvré un peu de raison et d’humilité, devant l’ampleur de la catastrophe humaine qui les laisse démunis et faibles. Le jour d’après, personne ne peut le définir, car c’est toute la société et toute l’économie qui sont à réinventer. La machine aura du mal à repartir, face à des faillites en cascade, notamment dans les PME, le commerce, une inflation difficile à contenir, un chômage de masse, une baisse des revenus, des changements des modes de consommation. L’empire américain vacille, vaincu autant par la pandémie que par sa philosophie individualiste et de compétition sans compassion. L’empire du milieu se remet tout doucement, mais les frontières se refermant, la consommation baissant et le besoin de relocalisation ne faisant plus débat, que lui restera-t-il dans une décennie ? Tels sont les enjeux, risques et défis majeurs à venir. Nous aurons besoin d’Hommes d’Etat exceptionnels. Notre jeune président et son gouvernement, dans le concert de nations déboussolées, sauront-t-ils faire le dur apprentissage de la vie ? Ou verrons-nous apparaître une nouvelle génération, dotée d’une vision d’un avenir différent, plus respectueux des êtres et de notre environnement, comme un retour aux sources? Seuls les historiens, si nous existons encore, pourront le dire !

Comme images d’illustration, je pense à Eugène Boudin, peintre d’extérieur (une innovation à cette époque), ami de Claude Monet et son initiateur, surnommé par Corot, le « roi des ciels ». Il nous aurait brossé et exprimé, dans les nuages, nos inquiétudes et nos espoirs.

" Nager en plein ciel, arriver aux tendresses des nuages, suspendre des nappes, au fond bien lointaines dans la brume grise, faire éclater l'azur ". Eugène Boudin.

En pensant à lui, il m’arrive de capter des images fugaces de ciels lugubres, majestueux, inquiétants, d’espoir, clichés parfois pris à la « billebaude », derrière la vitre d’une voiture……..moi qui déteste tant rouler en voiture ! Je vous les livre comme des brouillons de nature forte, comme celle qui nous étreint actuellement.





















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